LITURGIE du DIMANCHE
commentaire sur la Parole

Un chemin sur les eaux
le 10 août 2014
- 19e Dimanche du Temps Ordinaire

 

Lectures bibliques

1 R 19,9a-11-13a
Psaume 84


Fais-nous voir, Seigneur, ton amour,
et donne-nous ton salut.


Rm 9,1-5
Mt 14,22-33



À la multiplication des pains (cf. dimanche dernier), la tradition évangélique rapproche le miracle de Jésus qui marche sur les eaux. L’objectif théologique est clair : celui qui a rassasié Israël dans le désert, ouvre aussi un chemin à son peuple dans la mer (cf. Ps 77,20). C’est ainsi que les antiques prodiges trouvent un accomplissement parfait en Jésus. Que Jésus marche sur les eaux (aspect repris 4 fois dans notre récit) signifie qu’il a vaincu la mort et qu’il a pouvoir sur ses effets dévastateurs : la souffrance, la peur, l’angoisse et la terreur. Mais le centre du passage domine la révélation qu’il fait de lui-même : «Confiance! C’est moi; n’ayez pas peur! » (Mt 14,26). Comme nous le savons, l’expression « c’est moi » reprend la révélation de Dieu au buisson (cf. Ex 3,14). La première lecture nous parle aussi de révélation où le prophète Élie perçoit la présence de Dieu dans le murmure d’une brise légère. Quant à l’apôtre Paul, il présente le mystère d’Israël, peuple auquel les promesses ont été faites mais qui, inexplicablement, s’est fermé à la révélation du Christ, et qu’il célèbre dans la doxologie finale comme Dieu béni éternellement.

Jésus dans la barque

Dans l’Évangile de Matthieu, il y a trois scènes où Jésus est dans la barque (symbole de la communauté chrétienne) avec ses disciples. Ce sont trois scènes de “tempête” qui mettent en évidence la crise interne de la communauté croyante. Dans la première (cf. Mt 8,23-27), Jésus est avec les siens mais il dort; dans la deuxième (cf. Mt 14,22-33), Jésus est encore présent parmi les siens, non pas comme avant, mais à travers sa parole et le pain de vie qui devraient soutenir les croyants dans les difficultés de l’histoire. Dans la troisième scène (cf. Mt 16,5-12), Jésus adresse des reproches à ses disciples parce qu’ils n’ont pas encore le levain évangélique mais celui des pharisiens et des sadducéens. Par conséquent, ils ne comprennent pas la valeur du pain qu’il a donné. Si la première scène nous renvoie au temps de Jésus, alors qu’il était avec les disciples (Jésus historique), la deuxième correspond au temps de l’Église où il est présent sacramentellement; la troisième scène dévoile le motif de l’incrédulité d’hier et d’aujourd’hui, les difficultés que nous avons à le reconnaître : les “levains” qui conditionnent notre intelligence et notre cœur. Levains qui, si nous ne sommes pas attentifs, font de Jésus une réalité évanescente, un fantôme, et certainement pas le Seigneur de la vie (« C’est moi! »)

Les signes de Jésus

Nous pouvons diviser la péricope évangélique en quatre unités : Jésus qui, au début, se sépare des disciples (v. 22-24); puis, sa venue et sa manifestation (v. 25-27); et en troisième instance, Jésus qui appelle Pierre à marcher sur les eaux (v. 28-32); à la fin, la profession de foi des disciples (v. 33). Après la multiplication des pains, Jésus se retire seul dans la montagne pour prier. Pourquoi? Les réponses possibles sont nombreuses. Le retrait dans le silence répond à un but précis. Oui, il a rassasié le peuple avec le pain, accomplissant ainsi un signe messianique. Mais, attention! Son messianisme n’avance pas dans la direction de la gloire mais de l’humiliation, dans la direction de la puissance mais de la volonté de Dieu. Par conséquent, Jésus amortit tout enthousiasme facile et s’en remet à la logique du Père (celle de la croix). Le signe de son retrait dans le silence succède donc au signe du pain. Cela déconcerte les siens; de plus, la barque est agitée par les vagues, et le vent est contraire. Mais Jésus offre un troisième signe; à la quatrième veille de la nuit (entre trois et six heures du matin), il se manifeste aux disciples en marchant vers eux sur les eaux de la mer. Il est le Kyrios, vainqueur de la mort, dont la présence dissipe toutes les ténèbres. G. Gaide a écrit : « Ce n’est peut être pas par hasard que la multiplication des pains suit immédiatement l’épisode de Jésus qui marche sur les eaux, tout comme l’agonie suit l’institution de l’Eucharistie : la multiplication des pains préfigure l’Eucharistie, nourriture pour l’homme qui marche dans la nuit de la foi ».

Entre l’incrédulité et la foi

S’il est vrai que l’apparition de Jésus est salvifique, la preuve la plus évidente, c’est que la personne même est sauvée. Dans cet horizon, nous comprenons la demande de Pierre : « Seigneur, si c’est bien toi, ordonne-moi de venir à toi sur les eaux » (Mt 14,28). Une demande remplie de doute (« si c’est bien toi »), mais qui trouve une réponse affirmative en Jésus qui l’invite : « Viens! ». Et Pierre fait effectivement ce que Jésus a fait, mais il doit garder le regard sur le Maître, autrement, comme ça arrive, il s’enfonce dans ses peurs. D’où le cri : « Seigneur, sauve-moi! ». Et Jésus tend la main en même temps qu’il reproche à Pierre son peu de foi : « Homme de peu de foi, pourquoi as-tu douté? » (Mt 14,31). Pierre a vraiment peu de foi, non seulement, mais sa foi est aussi remplie de doute au point de se manifester comme incrédulité. Il y a un fait significatif : c’est justement Pierre qui a été choisi par Jésus comme roc de l’Église. Qu’est-ce à dire? Ce qui fera de Pierre un roc, ce ne sera pas tant la solidité de sa foi que l’élection du Seigneur. Mais un autre aspect émerge de l’épisode. Lorsque Jésus appelle Pierre, ce dernier avance décidemment sur l’eau; à ce moment-là, son peu de foi est occulté; lorsque, au contraire, le vent et les vagues l’investissent, son peu de foi se manifeste. Oui, la foi du chrétien est toujours faible, mais elle renferme une grande possibilité, comme le petit grain de sénevé. Comme nous l’avons souligné, il suffit de s’ouvrir à l’invocation et à la main que le Christ tend toujours à ses disciples.

Alexandre C. osb




Retour à la page d'accueil