Le
temps de l’Avent, marqué par l’attente du Seigneur, commence ce dimanche-ci.
La communauté chrétienne n’a donc pas rien devant elle mais une espérance
sûre, comme Paul le dirait (cf. 2 Tm 1,12) ainsi qu’un avenir chargé
d’une promesse : « Oui, je viens bientôt » (Ap 22,20).Mais que signifie
«attendre»? Selon l’étymologie latine, ce verbe indique une «tension
vers», «une attention portée à», par conséquent, l’attente n’est certainement
pas passivité, inertie, fermeture dans le présent; elle est une action
dynamique ainsi qu’une ouverture sur le demain de Dieu.
Cependant, l’attente est aussi inhérente à l’humain, anthropologiquement,
l’homme est une attente. Cela le porte à se reconnaître et surtout
à s’accueillir comme un être inachevé qui tend vers une plénitude.
Certes, l’accomplissement demande la patience, véritable art de vivre
la fragmentation de l’aujourd’hui, sans désespérer. Il exige aussi
une charité sincère, pour se soutenir et se supporter soi-même ainsi
que le prochain dans l’alternance des vicissitudes de la vie. Il exige
également une discipline du désir pour ne pas tomber dans l’idolâtrie
moderne du tout et tout de suite.
À côté du commentaire aux lectures des quatre dimanches qui vont suivre,
nous essaierons de souligner aussi un thème christologique inhérent
au temps liturgique.
Le
silence de Dieu
La première lecture est tirée du livre d’Isaïe (56-66). Le prophète
fait monter vers Dieu une supplication à cause du péché du peuple.
Dieu a opéré des merveilles dans l’histoire d’Israël; malgré cela,
il n’a pas été reconnu. Alors, il s’est retiré dans le silence, un
silence que le prophète sent comme un poids insupportable et, pour
le peuple, un châtiment. Mais le silence divin n’est pas celui d’une
personne méprisée ou rancunière. Le prophète nous fait comprendre
que le silence de Dieu est pédagogique. Oui, il se tait, mais c’est
pour ramener à Lui Israël. Il y a plus : le prophète nourrit une grande
espérance quand il affirme que Dieu reviendra (v. 1), déchirera le
ciel et descendra (v. 19), révélera son visage de père et de rédempteur
(v. 7; v. 16), et qu’il ira à la rencontre de ceux qui se souviennent
de ses voies (v. 4). Si Dieu revient, le peuple aussi va vers Lui.
Comment? En pratiquant la justice (v. 4), en reconnaissant son péché
(v. 4-5) et en s’abandonnant à Lui – image merveilleuse – comme l’argile
dans la main du potier (v. 7).
Les
visites de Dieu
L’apôtre Paul ouvre la lettre aux Corinthiens avec une hymne de louange
car Dieu visite continuellement la communauté chrétienne en donnant
des charismes. Si Dieu en est l’auteur, Paul montre aux Corinthiens
la fonction de ces dons : garder vivante et fervente l’attente de
la révélation de Jésus. Le dernier avènement du Seigneur apportera
le don par excellence – la communion au Père, pleine et définitive.
Ce que Paul nous rappelle nous aide à vivre l’Avent non seulement
comme une préparation à Noël (venue historique de Jésus) mais en vue
de sa Parousie à la fin des temps. Si nous rappelons liturgiquement
sa naissance historique le 25 décembre, c’est parce que cet événement
est le gage de sa manifestation eschatologique. Donc, il est venu,
il vient et il viendra.
Le
“quand” du retour
Le récit évangélique que la liturgie du jour nous présente fait partie
d’un long discours eschatologique de Jésus (c’est le plus long en
Marc). L’Évangéliste veut montrer à ses lecteurs quelles sont les
répercussions de la vie du Christ sur leur existence et sur leur temps
ainsi que ce qu’ils doivent attendre et espérer pour le futur. Jésus
tient ce discours sur le mont des Oliviers. À propos, l’historien
Joseph Flavius soutenait que c’est justement à partir de ce mont que
le Messie inaugurerait la libération de la ville sainte de la domination
romaine. Pour Ézéchiel, au contraire, le mont des Oliviers était le
lieu où Dieu s’était retiré après avoir abandonné Jérusalem, à cause
de sa corruption. Le récit est plein d’impératifs mais il y en a deux
qui s’imposent particulièrement à notre attention : prenez garde et
veillez. Le premier indique l’attitude de quiconque est éveillé tandis
que le deuxième indique l’effort de quiconque garde les yeux bien
ouverts sur la réalité. En un mot, le Seigneur exhorte à vivre consciemment
le présent en regardant en face la réalité avec tous ses problèmes
mais aussi avec la surprise de toutes les grâces. Et cela, non seulement
pour vivre en personnes sages, et sagement, mais pour savoir accueillir
les signes de sa proximité. La vigilance chrétienne n’aliène donc
pas l’histoire; au contraire, l’histoire est le terrain de l’avènement
de Dieu qui fait irruption en elle, la féconde et la dilate sur l’éternité.
Que le disciple en ignore les temps et les moments signifie qu’il
doit veiller constamment, responsable en même temps qu’actif.
Jésus
Christ, le Venant
Dans l’Évangile, Jésus est présenté comme le Venant (celui qui vient).
Ce titre évoque plusieurs textes vétérotestamentaires qui parlent
de l’avènement de Dieu. Zacharie décrit la venue du roi messianique
comme suit : « Exulte de toutes tes forces, fille de Sion! Pousse
des cris de joie, fille de Jérusalem! Voici que ton roi vient à toi
: il est juste et victorieux, humble et monté sur un âne, petit d’une
ânesse » (Za 9,9). Pour Habaquq, selon la version des Septante, il
y a Quelqu’un que le prophète même doit attendre (Ha 2,3). Semblablement
pour Daniel (7,13-14) et en particulier pour Malachie (3,1) : « Voici
que je vais envoyer mon messager, pour qu’il déblaie un chemin devant
ma face. Et soudain, il entrera dans son sanctuaire, le Seigneur que
vous cherchez; et l’Ange de l’alliance que vous désirez, le voici
qui vient, déclare le Seigneur des armées ». Pour Jésus, cette prophétie
s’est accomplie en Jean Baptiste (cf. Mt 11,10).Mais c’est surtout
le quatrième Évangile qui nous parle du Christ comme étant le Venant.
Au début, le Baptiste le voit venir vers lui et il dit : « voici l’Agneau
de Dieu! » (cf. Jn 1,29). À Pâque, sa venue est de fondation (cf.
Jn 20,19) en tant qu’il pose les fondations de l’Église (Esprit Saint
et mission), ensuite, elle est habituelle (cf. Jn 20,26), et finalement,
paradigmatique dans l’Eucharistie (cf. Jn 21,13). De plus, avec sa
venue, Jésus donne à tout homme la possibilité de devenir fils de
Dieu (cf. Jn 1,12). Lorsque cette humanité sera achevée, elle entrera
dans la plénitude de la vie divine, c’est-à-dire dans la création
nouvelle (cf. Jn 20,17).
Alexandre
C. osb
Ta
bienveillance Seigneur.....
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