LITURGIE du DIMANCHE
commentaire sur la Parole

La pierre et les clés
le 24 août 2014
- 21e Dimanche du Temps Ordinaire

 

Lectures bibliques

Is 22,19-23
Psaume 137


Toi, le Dieu fidèle, poursuis ton œuvre d’amour!


Rm 11,33-36
Mt 16,13-20

« Ta voix a pu m’attendrir / ta présence, me retenir, / et ton respect, m’émouvoir. / Qui es-tu? » - ce sont des vers de Pedro Calderon de la Barca (1600-1681) qui, devant le Christ qui s’était révélé à lui, pose la question, la grande question que chacun de nous doit adresser au Christ : « Qui es-tu? ». Et c’est sur cette question que l’Évangile d’aujourd’hui veut nous conduire : « Qui est Jésus? ». Pour y répondre correctement, nous devons éviter deux erreurs. La première : répondre d’une manière théologiquement correcte, mais sans aucune implication personnelle; la deuxième, comme la foule de l’Évangile, recourir à des schémas d’interprétation déjà connus (pour la foule, comme nous le verrons, Jésus est le Baptiste, Jérémie ou Élie). Mais le fait de recourir à ce qui est déjà connu risque de voiler l’originalité du Maître. Il faut ajouter aussi que la page évangélique d’aujourd’hui n’est pas simple à lire. Nous avons des problèmes littéraires sur l’authenticité jésuitique de l’Évangile de la primauté (cf. v. 18-19); nous avons des problèmes exégétiques concernant les images que Jésus utilise : la pierre, les clés et le binôme lier et délier; enfin, nous avons des problèmes théologiques entre l’ecclésiologie de Matthieu et celle de Paul qui voit Jésus Christ comme unique fondement de l’Église (cf. 1 Co 3,11). Laissant les développements éventuels à nos lecteurs, nous porterons notre attention sur les deux questions que Jésus pose à ses disciples sur son identité et mission.

« Le Fils de l’homme, qui est-il, d’après ce que disent les hommes? »

À la demande de Jésus sur l’opinion que les gens ont de lui, les disciples reflètent une difficulté que nous vivons encore aujourd’hui : ne pas reconnaître le Maître pour ce qu’il est vraiment. Pour certains, Jésus est identifié à Jean Baptiste, le grand précurseur et ascète, l’homme au profil moral élevé et cohérent. Or, Jésus a certainement été un grand ascète ainsi qu’un Maître qui a fondé son enseignement sur la justice. Même si ces deux aspects sont importants, ils ne disent pas encore tout de lui. Il n’a pas dédaigné de s’asseoir à table avec des pécheurs publics et, en ce qui concerne la justice divine, il a révélé qu’elle trouve sa plénitude dans la miséricorde. Jésus n’est pas Jean Baptiste. Élie, le grand prophète, qui a lutté contre toute forme d’idolâtrie et de syncrétisme, a eu un zèle tellement radical pour le rétablissement de la pureté de la foi, qu’il est arrivé à tuer cinq cents prêtres de Baal. Jésus, qui est le plus grand prophète, se distingue d’Élie parce qu’il n’a jamais voulu anéantir personne. Au contraire, il s’est anéanti par amour. Jésus n’est pas Élie. Enfin, Jérémie est l’icône de l’homme juste qui souffre. Jésus aussi a parcouru le chemin de la souffrance mais il ne l’a jamais glorifiée. Jésus n’est pas venu pour nous enseigner la résignation à la souffrance et au mal mais pour nous indiquer le chemin de leur rachat et dépassement. Jésus a indiqué aux hommes le chemin de la béatitude et de la paix. Jésus n’est pas Jérémie.

« Et vous, que dites-vous? Pour vous, qui suis-je? »

Si tous avaient répondu à la première demande; à la deuxième, plus directe, « pour vous, qui suis-je? », seul Simon Pierre répond en affirmant : « Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant » (Mt 16,16). Qui est Jésus? Le Messie libérateur, celui qui conduit à la liberté; le Fils du Dieu vivant, c.-à-d. du Dieu qui vit et crée, qui agit dans l’histoire en la guidant à des fins de salut; le Dieu qui a ressuscité Jésus (la formule reprend sans doute une conviction de l’Église de Matthieu). La profession de foi pétrinienne est donc complète. À noter que ces paroles reviendront sur les lèvres du Grand Prêtre durant la Passion (cf. Mt 26,63). Devant la confession de Pierre, Jésus affirme trois choses; d’abord, il le proclame heureux (v. 17) parce qu’objet d’une révélation particulière du Père, promesse faite antécédemment aux petits (cf. Mt 11,25). Ensuite, il formule une promesse : Simon sera la pierre de fondation de l’édifice de l’Église, comme Abraham a été le roc dont Israël est sorti (cf. Is 51,1-2). Et, pour poursuivre la comparaison, comme Abram est devenu Abraham (cf. Gn 17,5), de même, maintenant, Simon devient Pierre. Puis, Jésus confère à Pierre une autorité au sein de la communauté chrétienne (les clés). Lier-délier sont à la fin le symbole juridique que le pouvoir des clés concrétise. Que signifie lier-délier? Cela signifie interpréter l’Évangile dans les différents contextes de l’histoire, admettre ou exclure, même de la communauté chrétienne, déclarer avec autorité ce qui est conforme ou non au Christ.

Jésus et Pierre

L’autorité que Jésus confère à Pierre est indéniable. Mais il faut apporter quelques précisions.

• Le choix gratuit de Jésus. Pierre n’a pas de mérites particuliers; il n’est pas un héros de la foi, et pourtant Jésus le choisit afin qu’il puisse confirmer ses frères.
• La foi comme don. Pierre fait sa confession de foi en Jésus mais cette confession ne jaillit pas de la chair ou du sang; elle est une révélation de Dieu. Pierre est gratifié par le don de Dieu.
• L’autorité de Pierre. Quand Matthieu rédige son Évangile, Pierre est mort depuis une vingtaine d’années environ. Qu’est-ce à dire? Que Matthieu affirme implicitement que son récit en appelle à l’autorité de l’Apôtre, la seule qui puisse donner de l’unité et de la cohésion à l’Église du Christ. Bruno Maggioni a écrit que « L’autorité de Pierre est vicaire : Pierre est l’image d’un autre, du Christ, qui est le vrai Seigneur de l’Église, mais justement parce qu’il est l’image du Christ, l’autorité de Pierre est pleine et indiscutée, soustraite, même à sa sainteté personnelle ».

Alexandre C. osb



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