LITURGIE du DIMANCHE
commentaire sur la Parole

Le crucifié exalté
le 14 septembre 2014
- 24e Dimanche du Temps Ordinaire

 

Lectures bibliques

Nb 21,4b-9
Psaume 77

Par ta croix, Seigneur, tu nous rends la vie.

Ph 2,6-11
Jn 3,13-17

Aujourd’hui, nous célébrons la fête de l’Exaltation de la Croix Comme nous le savons, l’empereur Héraclius 1, ayant rapporté la victoire sur Cosroe (Khorsro), roi de Perse (7esièlce), reprit la vraie croix dont il s’était emparé lors du pillage de Jérusalem. Pour la circonstance, une liturgie solennelle eut lieu au cours de laquelle l’empereur lui-même voulut porter la relique très précieuse jusqu’au Calvaire. L’Église nous invite donc à adorer le mystère de la croix, symbole et instrument de notre rédemption. La première lecture et l’Évangile nous présentent un symbole singulier, celui du serpent élevé. Nous essaierons d’en décoder la valeur dans les contextes historiques-bibliques respectifs en nous arrêtant en particulier sur la relecture johannique.

« Fais-toi un serpent, et dresse-le au sommet d’un mât »

Au cours de sa pénible marche à travers le désert, Israël est éprouvé par le manque d’eau, de nourriture et de sécurité (Amalécites et serpents). Lieu inhospitalier et inhabitable, le désert est une métaphore extraordinaire de l’humain comme impossibilité à y être en vertu de lui-même (C. Di Sante). L’homme dépend de Dieu qui prend soin de lui. C’est pourquoi, le désert se présente aussi comme l’espace de la foi où l’homme (dont Israël est l’image) apprend à s’abandonner et à se fier à Dieu. Mais cela n’est ni simple ni immédiat; l’homme se révolte et arrive même à déformer le visage de Dieu et son projet de salut (cf. Nb 21,4-6). C’est pour cela qu’il expérimente la mort (serpents); une mort due à l’incrédulité, au scepticisme, au manque d’espérance en Dieu aimablement pourvoyeur et proche. C’est seulement en regardant le serpent élevé qu’il est possible de trouver le salut. Cependant, ce regard n’a rien de magique; il exprime la foi retrouvée, comme le souligne clairement (Sg 16,7) : « En effet, quiconque se retournait était sauvé, non par l’objet regardé, mais par toi le Sauveur de tous ». Mais un aspect nous frappe. Nous savons comment Moïse a réagi fortement quand Israël a tenté de représenter Dieu dans le veau d’or. Toutefois, étrangement, devant une nouvelle protestation du peuple, il ne craint pas de faire un serpent de bronze et de le dresser au sommet d’un mât. Si un veau était sorti de la force d’Aaron, de celle de Moïse, il sort un serpent. Dans les deux cas, il y a un démenti solennel du précepte du Décalogue de ne pas faire d’images. Il est vrai que Moïse exécute un ordre divin, toutefois, l’“étrangeté” demeure. Mais ce n’est pas tout. À ce poteau sacré, les juifs continuèrent au cours des siècles à brûler de l’encens, à tel point que le roi Ézéchias (8e siècle av. C.) le fit couper, et fit mettre en pièces le serpent de bronze (cf. 2 R 18,4). Au-delà des lectures, un fait demeure : l’idolâtrie est dure à déraciner et même les guides les plus éclairés peuvent tomber dans des contradictions évidentes.

« Que celui qui croit obtienne la vie éternelle »

Dans le discours à Nicodème, Jésus parle avant tout d’une “nécessité” (« il faut ») liée à une “élévation” (« il faut que le Fils de l’homme soit élevé »). Qu’est-ce à dire? D’abord, que l’élévation s’enracine dans la volonté de Dieu. C’est Dieu, le Père, qui élève le Fils. “Élévation” veut dire “glorification”. Dans la mort sur la croix, Dieu glorifie le Fils, manifestant en lui la plénitude de son amour pour le monde, Alors, la croix n’est pas source de salut par son aspect sacrificiel; pour les chrétiens, elle est source de vie en tant qu’expression ultime et radicale de l’amour de Dieu. Dans le quatrième Évangile, nous avons trois prédictions sur l’Élévation du Fils de l’homme (cf. Jn 3,14; 8,28; 12,32); trois prédictions qui correspondent aux trois prédictions de la mort et de la résurrection de Jésus que nous trouvons dans les Synoptiques. Mais il y a une différence; tandis que pour Jean, la croix est glorieuse dès le début; pour les Synoptiques, elle ne l’est qu’à la fin. Du Fils de l’homme élevé, nous obtenons la vie éternelle (cf. Jn 3,14), nous parvenons à connaître sa divinité (cf. Jn 8,28) et nous sommes puissamment attirés (cf. Jn 12,32). Mais l’amour de Dieu demande l’accueil à l’homme, c’est pourquoi Jésus parle de la foi, de ceux qui croient en lui pour avoir la vie. Croire en Jésus signifie adhérer personnellement à sa personne, à ses paroles, au mystère de sa mort porteuse de salut. Un dernier aspect. En mentionnant l’épisode du serpent, Jésus rappelle à Nicodème un fait très important : certes, Israël est dans la terre promise et pourtant, il vit encore l’expérience du désert avec ses menaces de mort. Pour trouver le salut plein et durable, il importe donc de naître, de renaître. Comment? En accueillant le salut en acte, Jésus, le Fils de l’homme qui offre l’Esprit, principe de vie nouvelle.

La croix glorieuse

Une dernière réflexion, récapitulative, même si elle n’est pas complète. Nous avons vu que pour Jésus, la croix est une nécessité. Mais comment comprendre cette nécessité? Bruno Maggioni a écrit : « La nécessité de la croix est dans la liberté d’un choix de vie ». En quel sens? En tant que Jésus a vécu la croix comme une cohérence et une fidélité nécessaires. À qui? À quoi? À Dieu et à la vérité de Dieu. Jésus a voulu dire Dieu, sa vérité, même au risque de sa propre vie, tout en sachant qu’il serait condamné à mourir. C’est la première signification de la nécessité. Mais nous en avons une autre. Jésus est aussi conscient d’un dessein de Dieu; mieux, il sait que le Père veut sauver le monde pécheur non pas de l’extérieur mais de l’intérieur. La croix exprime donc la solidarité divine envers l’homme pécheur. Jésus s’approprie cette volonté qui est une volonté d’amour jusqu’à la fin (cf. Jn 13,1). D’où une troisième signification : la croix comme accomplissement. Jésus mourant affirmera : « Tout est accompli » (Jn 19,30). En quel sens? Que la croix n’est pas un moment singulier de la vie de Jésus; je m’explique, en mourant sur la croix, Jésus n’a fait rien de plus que ce qu’il a toujours fait. Il a vécu sa vie comme don, il a célébra sa mort comme don. Que la voie embrassée par Jésus soit la bonne, sa résurrection le confirme. La croix que nous vénérons aujourd’hui est donc une croix glorieuse.

Alexandre C. osb

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