Un père et trois fils
le 28 septembre 2014
- 26e Dimanche du Temps Ordinaire
Lectures
bibliques
Ez
18,25-28
Psaume 24
Rappelle-toi, Seigneur, ta tendresse,
ton amour qui est de toujours.
Ph 2,1-11
Mt 21,28-32
La
liturgie de ce dimanche est dominée par une image domestique, celle
du père et des fils. Dans la parabole (cf. Mt 21,28-32), Jésus présente
un père qui envoie ses deux fils travailler à la vigne. Le premier affirme
qu’il n’en a pas envie, puis, il se repent et va travailler. Le deuxième,
au contraire, dit tout de suite oui mais il ne va pas travailler. Le
premier représente les pécheurs qui ont reconnu en Jean Baptiste l’envoyé
de Dieu et qui se sont convertis tandis que le deuxième représente les
chefs du judaïsme officiel qui n’ont écouté ni le Précurseur ni le Messie.
Mais il y a un troisième fils qui a fait toute la volonté du Père et
c’est Jésus. C’est sur ce fils que l’attention de Paul se concentre
dans l’extraordinaire hymne (Ph 2,1-11) sur laquelle nous voulons nous
arrêter pour souligner son aspect christologique et ecclésial.
Un même sentiment
L’hymne paulinienne est précédée d’une exhortation à l’unité (cf. Ph
2,1-4). Les chrétiens de Philippes avaient une foi et une générosité
exemplaires, et Paul aimait beaucoup cette communauté. Il y avait cependant
une pratique non observée entre les frères et les soeurs, c’est-à-dire
qu’il leur manquait un même sentiment. En un mot, les diversités ne
trouvaient pas de convergence dans la charité du Christ, dans le sentiment
du Christ. D’où l’exhortation. Paul commence par quatre propositions
hypothétiques (« S’il est vrai que dans le Christ on se réconforte les
uns les autres…) » (Ph 2,1), à comprendre dans un sens affirmatif. C’est
comme si Paul disait : « Si c’est vrai, et c’est vrai, qu’il y a consolation,
réconfort, communion, affection, compassion… ». Donc, Paul ne souhaite
pas qu’il en soit ainsi, il sait bien que ces valeurs sont présentes.
Alors, si ces valeurs existent, pourquoi le sentiment commun manque-t-il?
Pourquoi l’unité manque-t-elle? Paul cherche des causes et il en souligne
quelques unes : la rivalité, la vaine gloire, le manque d’humilité et
la recherche égoïste des intérêts personnels. Mais Paul comprend qu’il
ne suffit pas de stigmatiser le mal, il faut, plus positivement, orienter
vers le bien. Voilà pourquoi il présente aux chrétiens de Philippe l’icône
de Jésus, le Fils de Dieu. Et que dit-il de Jésus? Trois choses : sa
pensée de manière solidaire, sa condition de serviteur et son humiliation
jusqu’à la mort.
Le raisonnement divin
« Lui qui était dans la condition de Dieu, il n’a pas jugé bon de revendiquer
son droit d’être comme Dieu » (Ph 2,6). Dans cette affirmation, Paul
présente la préexistence de Jésus, lorsque Jésus vivait une existence
soustraite aux conditionnements humains. Ce que l’Apôtre veut souligner
ici, c’est le raisonnement divin, comment Dieu pense et agit en conséquence.
Paul dit que Jésus n’a pas considéré sa divinité comme un privilège
à défendre et à garder jalousement. Non, il a raisonné en termes de
solidarité, de partage, de don de soi, de participation. Et c’est ce
mode de pensée qui l’a porté à l’Incarnation. Qu’est-ce à dire? Que
le don est la manière d’être et d’exister de Dieu. L’aventure humaine
de Jésus n’est que l’historisation du don de soi éternel de Dieu.
Le dépouillement
Paul écrit encore que Jésus « se dépouilla lui-même » (Ph 2,7). Ce n’est
qu’avec ce dépouillement qu’il a pu être solidaire des hommes, un homme
normal, comme tous les autres. Pas un homme différent, spécial. Non,
comme tous les autres. Jésus a accepté de ne pas avoir un pouvoir sur
son destin, d’entrer dans les événements de l’histoire, d’assumer la
responsabilité de ses gestes et de ses paroles comme tout homme de la
terre. Mais il est aussi allé au-delà; non seulement il s’est fait homme
parmi les hommes mais il a voulu assumer parmi les hommes le statut
d’esclave. Si, pour la culture grecque, l’esclave est celui qui vit
une situation sociale inférieure, pour la culture sémitique, au contraire,
c’est l’allié de Dieu, celui qui réalise sa volonté. Jésus a été les
deux; socialement, il n’a pas été important, religieusement, il s’est
fait le Serviteur du Seigneur.
L’humiliation jusqu’à la mort
De plus, l’Apôtre affirme que Jésus s’est abaissé jusqu’à mourir, puis
il ajoute « sur une croix ». Qu’est-ce que cela signifie? La croix a
trois directions : vers Jésus, vers le Père et vers les frères. Par
rapport à Jésus, la croix apparaît comme le sommet de son don filial,
libre; la croix narre éloquemment son amour de Dieu et des hommes. Par
rapport au Père, la croix manifeste son écoute obéissante. Il faut spécifier,
une écoute radicale « jusqu’à la mort » (Ph 2,8c). Ce « jusqu’à » a
deux nuances importantes : une temporelle et l’autre intensive. Jésus
a été obéissant jusqu’à la fin de sa vie, de la naissance à la mort
(aspect temporel) et il l’a été non pas en donnant quelque chose mais
en se donnant lui-même (caractère intensif). Par rapport aux hommes,
la croix n’est pas seulement la réparation de la faute mais l’expression
du partage divin (comme nous l’avons rappelé en parlant du raisonnement
de Dieu). Dans le Christ, Dieu est solidaire (même envers le dernier
des hommes, le pécheur) au point de mourir sur une croix où, comme nous
le savons, pour la culture de l’époque, celui qui meurt sur une croix
est un maudit de Dieu.
Jésus surélevé
Mais le Père glorifie le Fils dans la résurrection où il reçoit le titre
de Seigneur. En tant que Seigneur, il est adoré partout (cieux, terre
et enfers) et par qui que ce soit (tout genou et toute langue). La fin,
c’est la gloire du Père. Le mot gloire a deux significations : c’est
la manifestation de Dieu et la stupeur de l’homme. Dans sa personne,
Jésus a révélé Dieu à l’humanité. En accueillant sa révélation, l’homme
arrive à connaître Dieu avec joie et stupeur, avec reconnaissance et
émerveillement. Devant ce que Paul nous a dit de Jésus, le Fils obéissant
du Père, quelle est notre réaction? Quelle incidence cela a-t-il pour
nous, pour nos communautés? Admiration ou imitation?