Le Dieu qui donne
et fait confiance
16 novembre – 33e Dimanche du Temps Ordinaire
Lectures
bibliques
Pr
31,10-13.19-20.30-31
Psaume 127
Heureux qui craint le Seigneur
et marche selon ses voies!
1 Ts 5,1-6
Mt 25,14-30
En
cet avant dernier dimanche de l’année liturgique, la parole de Dieu
attire notre attention sur la venue finale du Seigneur. La deuxième
lecture nous en parle explicitement tandis que l’Évangile le fait implicitement.
Au contraire, la première lecture, tirée du livre des Proverbes, nous
trace l’idéal de la femme biblique qui, avec son humble et fidèle dévouement
quotidien, vaque à ses propres devoirs. Dieu en fait l’éloge. Nous porterons
notre attention sur la parabole évangélique; pas tellement pour souligner
le comportement des serviteurs que l’agir gratuit du maître, de Dieu
qui se présente à nous comme Celui qui donne et fait confiance. À propos,
une des plus belles définitions de Dieu, c’est saint Jacques qui nous
l’a offerte lorsqu’il a écrit que Dieu « donne à tous avec simplicité
et sans faire de reproche » (Jc 1,5).
Un
Dieu qui donne et se donne
Dans la Bible grecque des Septante, le verbe donner revient environ
1500 fois. Quand ce verbe a Dieu comme sujet, l’auteur biblique veut
signifier que tout don vient de Lui. Mais il y a un autre aspect à considérer;
l’idée de don divin est liée au concept d’alliance que Dieu a stipulée
avec les Pères. A. Jaubert écrit à propos : « Toute la vie religieuse
de la communauté juive était fondée sur l’alliance avec Dieu. Tout ce
qu’un juif avait à cœur : possession de la terre, grandeur de la nation,
espoir d’un roi, fils de David, et chef du peuple d’Israël; tout était
objet des promesses de l’alliance ». Dans le N.T., Dieu est le donneur
suprême. Le don qui est au-dessus de tout don, c’est le Fils qui ouvre
les trésors du Royaume à tous ceux qui croient en lui. Sur la croix,
Jésus porte le don de lui-même à son accomplissement, lui qui « n’est
pas venu pour se faire servir, mais pour servir et donner sa vie en
rançon pour la multitude ». L’Église place ce don au cœur de sa liturgie,
devenant mémorial éternel de l’amour du Seigneur : « Ceci est mon corps
livré pour vous » (Lc 22,19). Nous sommes dans l’alliance nouvelle et
éternelle.
Mais dans la parabole de Matthieu (25,14-30), qu’est-ce que «donner»
comporte pour Dieu? En premier lieu, nous devons faire un éclairage
sur «donner» et «offrir». Dans l’offrande, il y a un échange, une vente
(primauté de la chose), au contraire, dans le don, il y a un sujet qui,
dans la liberté et par amour, fait un don à un autre sujet (primauté
de la personne). Donner est donc un mouvement asymétrique qui instaure
une relation. Donner, c’est assumer un risque. En effet, le patron confie
ses biens à ses serviteurs. Qu’en feront-ils ? Même lui ne le sait pas.
Cela nous fait comprendre une autre chose importante, c’est que, pour
Dieu, l’acte du don naît de sa confiance en l’homme, de la foi en sa
créature. Mais il y a un troisième aspect : dans le don, Dieu n’attend
rien en retour. Certes, il se réjouit quand le don est multiplié, mais
il n’exige pas de réponse reconnaissante. Si nous voulons, c’est ici
qu’émerge un des traits les plus bouleversants de Dieu : la gratuité.
Oui, le don ne peut être que gratuit et la gratuité doit investir aussi
le bénéficiaire de sorte qu’à son tour, il donne gratuitement. Cette
donnée de la foi chrétienne est exprimée de manière emblématique dans
le commandement nouveau (cf. Jn 13,34-35). Jésus, qui a anticipé son
don lors du lavement des pieds, ne demande pas à ses disciples de l’aimer
mais de s’aimer réciproquement. Nous avons ici le sommet de la gratuité.
Le
serviteur mauvais et paresseux
Parmi les serviteurs du maître, il en est un qui émerge parce qu’il
n’a pas fait fructifier le talent et il est apostrophé : « Serviteur
mauvais et paresseux » (Mt 25,26). Pourquoi? Selon le récit, le serviteur
n’a pas fait fructifier le talent reçu. Essayons de comprendre ce que
sont les talents? Est-ce que ce sont les dons ou les biens que Dieu
nous a confiés? C’est aussi cela, mais non seulement. Si nous tenons
compte du contexte de la parabole, par talent, on ne veut pas tellement
dire les dons ou les biens dont une personne dispose mais l’huile de
l’amour qui ne doit jamais manquer dans notre lampe (cf. Mt 25,1-13),
et qui doit toujours être versée sur les pauvres auxquels le Christ
s’est identifié (cf. Mt 25,31-46). Nous répétons que le talent par excellence
c’est l’amour que le Père nous a donné dans le Fils. Cet amour doit
doubler dans notre réponse reconnaissante à Lui et à nos frères. Si
nous ne le faisons pas, nous serons des serviteurs peu vigilants dans
l’attente du Seigneur et nous deviendrons mauvais et paresseux. Mauvais
et paresseux…, si nous voulons creuser ultérieurement, sont mauvais
et paresseux les chrétiens qui sont convaincus que Dieu et l’existence
moissonnent là où ils n’ont pas semé et qui récoltent là où ils n’ont
pas jeté la semence. Cultiver ces sentiments négatifs, se sentir traiter
injustement par Dieu nous rend agressifs. Critiquer ou se plaindre continuellement
de tout et de tous sans s’améliorer soi-même, sans investir nos propres
énergies humaines et spirituelles éloigne du prochain et de Dieu. Il
faut, au contraire, savoir valoriser aussi le peu que nous avons, sûrs
que Dieu fécondera toute volonté de bien.
L’éloge
de la femme forte
La première lecture tirée du livre des Proverbes fait l’éloge de la
femme sage et active. Ce poème compte vingt-deux versets, tout comme
les lettres de l’alphabet hébreu. Pour certains exégètes, cette femme
serait la personnification de la sagesse qui assure la prospérité et
la sagesse à quiconque l’accueille. Quoi qu’il en soit, elle demeure
toujours une description splendide de la femme idéale parée de vertus
morales et douées d’intelligence et d’habileté pratique. Son secret?
La crainte du Seigneur ou son sens religieux qui forme toute sa maison.
Comme la femme sage et active, nous sommes appelés nous aussi à ouvrir
nos mains aux miséreux et aux pauvres. Comme les deux serviteurs de
la parabole, nous aussi, nous sommes poussés par la parole de l’Évangile
à un engagement sérieux pour que nos talents mûrissent au profit de
tous et pour la gloire de Dieu. Cela signifie attendre le Seigneur en
faisant fructifier le talent reçu.