Sel et lumière du monde 9
février 2014 -5e
Dimanche du temps Ordinaire
Lectures bibliques Is
58,7-10
Psaume 111,4-8a.9
Dans
la nuit du monde, brille la lumière du juste.
1 Co 2,1-5
Mt 5,13-16
«
Au cœur de chaque action, l’intention religieuse.
Au coeur de chaque action religieuse, l’amour.
Au cœur de chaque acte d’amour, l’absolu ». (X.
Léon Dufour)
L’homme a été créé à l’image de Dieu (cf. Gn 1,26). Selon le penseur
A. Heschel (1907-1972), c’est de cette dignité que naît l’impératif
de se traiter soi-même et de traiter les autres comme image de
Dieu. Non seulement. Pour Heschel, « Ce qu’on attendait au Sinaï
advient au moment où une bonne action est accomplie. Le commandement
est une prévision, l’acte, un accomplissement. L’acte complète
l’événement. La révélation est seulement un début, mais nos actes
doivent la continuer, nos vies doivent la compléter ». L’action
est donc essentielle; elle transfigure l’existence humaine comme
réponse à l’amour de Dieu, à sa révélation. «À travers l’extase
des actions – écrit Heschel – nous acquérons la certitude de la
présence de Dieu ». C’est dans cet horizon que nous pouvons comprendre
l’invitation de Jésus : « Que votre lumière brille devant les
hommes : alors, en voyant ce que vous faites de bien, ils rendront
gloire à votre Père qui est aux cieux » (Mt 5,16). Mais, entrons
dans la riche page de Matthieu que la liturgie de la Parole offre
à notre méditation aujourd’hui.
Sel
de la terre
Jésus définit les disciples de sel et lumière. Ces deux images
renvoient à deux aspects essentiels de la vie : sans sel et sans
lumière, en effet, il n’y a pas de saveur ni de couleur. Il y
a ensuite un détail à souligner. Les deux images sont exprimées
avec des verbes à l’indicatif. Qu’est-ce que cela signifie? Qu’ils
affirment ce que les disciples sont déjà et pas ce qu’ils doivent
devenir. La parole de Jésus veut donc favoriser une prise de conscience
de l’identité de ceux qui, aujourd’hui comme hier, se mettent
à sa suite et vivent sa parole. Que représente l’image du sel?
Dans la culture sémitique, le sel a plusieurs significations :
purification, conservation, saveur. De plus, partager le sel était
un signe d’alliance. La soi-disant alliance du sel était le symbole
de fidélité, de durée, d’incorruptibilité. La communauté chrétienne
est sel de la terre quand elle a la saveur des Béatitudes. Ce
sont les Béatitudes (en particulier tout le Discours de la montagne)
qui préservent de la corruption et qui donnent de la saveur à
l’existence humaine. Mais la communauté chrétienne doit aussi
être vigilante afin de ne pas perdre la saveur du Christ en se
conformant à la mentalité du monde. Dans ce cas, il serait inutile
(«jeté dehors») et même méprisé («piétiné»).
Lumière du monde
La deuxième image est celle de la lumière qui représente le salut
de Dieu, le don de sa vie. La lumière, et c’est l’expérience de
chaque matin, redessine, par certains aspects, les choses dans
l’espace vivant et fourmillant du monde et tout redevient un «
lieu d’hospitalité et de colloque, peuplé de visages et de voix
» (A. Rizzi). Si la communauté chrétienne vit dans l’esprit des
Béatitudes, elle devient lumière du monde, c’est-à-dire qu’elle
éclaire les ténèbres de l’humanité. Comme nous le savons, l’image
de la lumière renvoie aussi à la ville sainte, Jérusalem, appelée
à être la ville-lumière située sur la montagne pour rappeler toutes
les nations à Dieu (cf. Is 60). De même, l’Église, communauté
des croyants dans le Christ, ne peut pas être placée sous le boisseau
mais sur le lampadaire pour éclairer tous les humains. Nous rappelons
le préambule important de la Constitution Lumen Gentium : « Le
Christ est la lumière des nations; aussi, en annonçant l’Évangile
à toute créature, le saint Concile réuni dans l’Esprit saint,
désire-t-il ardemment illuminer tous les hommes de la lumière
du Christ qui resplendit sur le visage de l’Église » (1).
Les bonnes œuvres
La vie chrétienne se traduit aussi en témoignage moyennant les
œuvres. Jésus affirme que les œuvres des chrétiens doivent être
visibles («qu’ils voient») et universelles («devant les hommes»).
Mais il y a un troisième aspect. Avec le rappel aux œuvres, Matthieu
veut éviter une éventuelle tentation de la communauté : la peur
et la théorie abstraite. Le Verbe doit être incarné à travers
des œuvres de charité (cf. Mt 25, 31). Mais ce n’est pas encore
tout; l’agir croyant traduit Dieu sur la terre. Les œuvres orientent
vers Dieu, elles en sont la transparence («ils voient… et glorifient»).
Ernest Menichelli écrit que « Être sel et lumière signifie rentrer
dans la transmission de vérité et de vie qui perpétue le mystère
de l’Incarnation dans l’histoire; être sel et lumière veut dire
prêter notre chair historique au Verbe de Dieu qui continue à
s’incarner pour féconder l’histoire ».
De l’écoute à la vie
Nous avons dit que les deux images employées par Jésus (la lumière
et le sel) sont à l’indicatif pour souligner un fait plus qu’une
invitation. Qu’elles soient exprimées au pluriel signifie que,
être lumière et sel, ne revient pas seulement à chaque croyant
mais également à toute la communauté chrétienne. C’est un premier
aspect, très important, et dont nous devons prendre de plus en
plus conscience. De plus, si la lumière est faite pour illuminer
et le sel pour rendre la nourriture plus savoureuse ou pour la
conserver, cela signifie que la communauté chrétienne est appelée
à être une présence vivante et significative dans l’histoire.
Aucune étrangeté de la part des hommes mais une proximité solidaire
et fraternelle. Certes, dans le monde mais pas du monde, autrement,
la nouveauté évangélique et sa force salvifique et régénératrice
manquerait. Il y a un dernier aspect que nous pouvons résumer
dans le terme, transparence. L’agir chrétien doit orienter vers
Dieu, le Père. Dans ses paroles et dans ses miracles, dans le
mystère de sa mort et résurrection, dans toute sa personne, Jésus
a toujours révélé Dieu, son Père. Comme le Christ, c’est ce que
le chrétien doit faire.