Carême 2014

La Lumière de la FOI
du pape François au no 30

Parfois, la vision des signes de Jésus précède la foi, comme avec les juifs qui, après la résurrection de Lazare, « avaient vu ce qu’il avait fait, crurent en lui » (Jn 11, 45). D’autres fois, c’est la foi qui conduit à une vision plus profonde : « si tu crois, tu verras la gloire de Dieu » (Jn 11, 40). Enfin, croire et voir s’entrecroisent : « Qui croit en moi (…) croit en celui qui m’a envoyé ; et qui me voit, voit celui qui m’a envoyé » (Jn 12, 44-45). Grâce à cette union avec l’écoute, la vision devient un engagement à la suite du Christ, et la foi apparaît comme une marche du regard, dans lequel les yeux s’habituent à voir en profondeur. Et ainsi, le matin de Pâques, on passe de Jean qui, étant encore dans l’obscurité devant le tombeau vide, « vit et crut » (Jn 20, 8) ; à Marie de Magdala qui, désormais, voit Jésus (cf. Jn 20, 14) et veut le retenir, mais est invitée à le contempler dans sa marche vers le Père ; jusqu’à la pleine confession de la même Marie de Magdala devant les disciples : « j’ai vu le Seigneur ! » (cf. Jn 20, 18).


La résurrection et la vie

6 avril 2014 - 5e Dimanche de Carême

Lectures bibliques
Ez 37,12-14
Psaume 129

J’espère le Seigneur de tout mon cœur;
je l’espère et j’attends sa parole.


Rm 8,8-11
Jn 11,1-45

 

 

Ton ami Lazare est malade

 

 

Nous sommes arrivés au 5e dimanche du Carême, et le premier visage que nous rencontrons est celui du prophète Ézéchiel qui déploie son ministère parmi les exilés à Babylone. Si, au début, les exilés gardèrent l’espérance d’un retour dans la patrie, avec la nouvelle défaite de 586 av. C., toutes leurs attentes ont été déçues et ils ont sombré dans le désespoir le plus sombre. Voilà que se lève alors la voix du Prophète qui, au nom du Seigneur, annonce le renversement d’une situation sans espoir (tombeaux et sépulcres). Ce renversement n’est certes pas le fruit de l’habileté politique; il vient de l’initiative divine : « Moi, je vous ramène dans la terre d’Israël » (cf. Ez 37,12). Lazare aussi est le symbole d’une situation humaine sans issue. Lorsque Jésus veut le voir, Marthe ne lui cache pas le fait qu’il est dans le tombeau depuis quatre jours et qu’il sent déjà. Comme pour dire : désormais, il n’y a plus rien à faire, le corps est en putréfaction. Mais Jésus proclame qu’il est «la résurrection et la vie» et il demande la foi qui peut contempler dès maintenant la victoire de la vie sur la mort. Enfin, dans le court passage de sa lettre aux Romains, Paul affirme que l’Esprit du Ressuscité a changé radicalement la vie des croyants. Certes, la mort viendra pour tous, mais dans le Christ, personne en est prisonnière. Mieux, dans le Christ, la mort marque l’entrée dans la vie véritable et définitive.
Nous nous concentrerons maintenant sur le récit évangélique qui marque le sommet de l’itinéraire quadragésimal que nous avons accompli de dimanche en dimanche.

Structure

Le chapitre 11,1-45 de Jean comprend quatre unités qui ne fragmentent pas l’ensemble mais qui opèrent en un crescendo vers le sommet du récit : la défaite de la mort. La première unité comprend les versets 1-17. Ici, Jésus nous défie de reconnaître la gloire de Dieu dans la corruption du sépulcre. Viennent ensuite les versets 18-27 où nous voyons comment la vie nouvelle peut surgit du sillon de la foi. Les versets 28-38 nous situent devant un des plus grands mystères : les larmes de Dieu sur le visage du Christ. Jésus pleure la mort de son ami Lazare. Enfin, les versets 38b-45 font ressortir deux choses : le lien unique et très singulier de Jésus avec son Père et la réanimation prodigieuse de Lazare. Même s’ils ne sont pas rapportés dans la liturgie, les derniers versets de la péricope (46-54) sont très importants parce qu’ils décrivent l’obstination des ténèbres, c’est-à-dire le refus et la condamnation de Jésus de la part des classes dirigeantes. Jésus réanime Lazare de la mort mais il s’en va vers sa mort.

Croire pour ressusciter

Lorsque Jésus entre dans le village de Béthanie, Marthe va à sa rencontre et, à mots couverts, elle lui fait un reproche : « Seigneur, si tu avais été là, mon frère ne serait pas mort ! Mais, même à présent, je sais que tout ce que tu demanderas à Dieu, il te l’accordera » (cf. Jn 11,21-22). Comme pour dire : « Tu pouvais éviter tout cela, pourquoi as-tu attendu? Pourquoi n’es-tu pas intervenu? » (Ce sont souvent nos demandes devant l’impuissance de la mort). Puis, nous avons un premier « je sais ». Qu’est-ce que Marthe sait? Que Jésus a un pouvoir sur Dieu, le seul qui puisse ressusciter des morts. Jésus réplique à Marthe que son frère ressuscitera. Sur cela, Marthe exprime son deuxième « je sais », en tant que c’était aussi sa foi héritée du milieu des pharisiens. Alors, Jésus intervient avec une affirmation inédite et scandaleuse qui opère un saut vertigineux par rapport à la foi commune d’Israël. « Je suis la résurrection et la vie; celui qui croit en moi, même s’il est mort, vivra; celui qui vit et croit en moi ne mourra jamais » (Jn 11,25-26). Essayons de bien comprendre ces paroles. D’abord, Jésus s’approprie l’attribut exclusif de Dieu : « Je suis ». Qu’est-ce à dire? Qu’en tant que Fils de Dieu, Jésus a le pouvoir de faire mourir et de ressusciter. Puis, il ajoute qu’il est la résurrection et la vie. Attention ! Le terme le plus important, ce n’est pas le premier mais le deuxième. Justement parce que Jésus est la vie (cf. 14,6), il est aussi la résurrection de tout homme. Résurrection est un terme relatif, il suppose, précisément, le don de la vie. Un autre aspect : Jésus est la résurrection et la vie, non pas tant comme événement futur (c’était la croyance de Marthe) mais dans le présent, déjà maintenant. Mais comment entrer dans cet événement de grâce? Moyennant la foi. C’est pourquoi Jésus dit à Marthe : « Crois-tu cela? » (Jn 11,26). La réponse de Marthe est prompte et sincère; elle manifeste le passage advenu en elle. En effet, Marthe est passée du « je sais » au « je crois ». Qu’est-ce que Marthe croit? Que Jésus est le Christ, le Fils de Dieu, l’Attendu et le Venant, la Vie et la Résurrection.

Jésus et la mort

Jésus se rend au tombeau et il fait immédiatement enlever la pierre qui bloque son entrée. C’est un geste symbolique profond : Jésus déplace la frontière entre les vivants et les morts. Puis, il remercie le Père. Dans l’évangile de Jean, c’est le deuxième tournant. Le premier, c’est lorsque Jésus a multiplié les pains (cf. Jn 6,11). Ceci étant dit, l’évangéliste écrit que Jésus « cria d’une voix forte : “Lazare, sors !” » (Jn 11,43). Jésus apparaît au centre de la scène et il appelle vers Lui. En effet, Lazare doit quitter le tombeau, sortir. Jésus appelle de la mort à la vie. Jean note que « le mort sortit, les pieds et les mains attachés par des bandelettes, et le visage enveloppé d’un linge. Jésus dit aux gens : “Déliez-le et laissez-le aller” ! » (Jn 11,44). C’est une finale paradoxale parce celui qui sort du tombeau, c’est un mort qui montre tous les signes de la mort. Et pourtant, il sort seul parce qu’il est vivant. Ensuite, le fait que les personnes présentes lui enlèvent les bandelettes funéraires atteste qu’il y a eu un dépassement de la peur de la mort. Et cela, grâce à Jésus, à la puissance de sa parole. Alors, plusieurs crurent en lui.


La petite éclosion du mimosa

Cette page de Jean est une haute page de foi; une page qui veut provoquer la foi afin qu’elle reconnaisse les signes de la vie même là où elle apparaît contredite et niée. Ce n’est pas une entreprise facile. Mais, elle n’est pas impossible. Le poète G. Ungaretti nous le suggère à sa manière dans un texte d’une rare intensité : « Chaque année, tandis que je découvre que février est sensitif et, par pudeur, torpide, le mimosa jaune fleurit. Il s’encadre à la fenêtre de ma demeure d’autrefois, de celle où je passe mes vieilles années. Tandis que je m’approche du grand silence, sera-t-il le signe que rien ne meurt, que l’apparence s’en revient toujours? Oh, saurai-je finalement que la mort n’a de règne que sur l’apparence? ».

La parole du Poète n’est pas instinctive; elle jaillit d’une longue habitude d’écoute, d’observation attentive en même temps que de l’occasion, antique et nouvelle, de la floraison du mimosa. Le Poète vit l’automne de la vie qui, d’une part, remplit son regard de la luminosité et de la beauté des fleurs, et de l’autre, rallume en son cœur de doux et douloureux souvenirs. Il sait que la mort l’attend et de cette profondeur obscure surgissent les questions sur le sens de l’existence et de l’homme. Toutefois, il découvre la vie dans et au-delà de la mort, la vraie réalité dans et au-delà de l’apparence du présent. Et cela, grâce à la simple et humble floraison du mimosa. Si la foi chrétienne reconnaît la vie nouvelle même dans la nature, c’est parce que le Ressuscité a inauguré la création nouvelle; l’événement de sa Pâques remplit et transfigure le cosmos entier et tout chante et crie de joie.

Alexandre C. osb

La Résurrection de Lazare.....

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