Carême 2014 La
Lumière de la FOI Parfois, la vision des signes de Jésus précède la foi, comme avec les juifs qui, après la résurrection de Lazare, « avaient vu ce qu’il avait fait, crurent en lui » (Jn 11, 45). D’autres fois, c’est la foi qui conduit à une vision plus profonde : « si tu crois, tu verras la gloire de Dieu » (Jn 11, 40). Enfin, croire et voir s’entrecroisent : « Qui croit en moi (…) croit en celui qui m’a envoyé ; et qui me voit, voit celui qui m’a envoyé » (Jn 12, 44-45). Grâce à cette union avec l’écoute, la vision devient un engagement à la suite du Christ, et la foi apparaît comme une marche du regard, dans lequel les yeux s’habituent à voir en profondeur. Et ainsi, le matin de Pâques, on passe de Jean qui, étant encore dans l’obscurité devant le tombeau vide, « vit et crut » (Jn 20, 8) ; à Marie de Magdala qui, désormais, voit Jésus (cf. Jn 20, 14) et veut le retenir, mais est invitée à le contempler dans sa marche vers le Père ; jusqu’à la pleine confession de la même Marie de Magdala devant les disciples : « j’ai vu le Seigneur ! » (cf. Jn 20, 18). |
Lectures bibliques |
Ton ami Lazare est malade
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Nous
sommes arrivés au 5e dimanche du Carême, et le premier visage que nous
rencontrons est celui du prophète Ézéchiel qui déploie son ministère
parmi les exilés à Babylone. Si, au début, les exilés gardèrent l’espérance
d’un retour dans la patrie, avec la nouvelle défaite de 586 av. C.,
toutes leurs attentes ont été déçues et ils ont sombré dans le désespoir
le plus sombre. Voilà que se lève alors la voix du Prophète qui, au
nom du Seigneur, annonce le renversement d’une situation sans espoir
(tombeaux et sépulcres). Ce renversement n’est certes pas le fruit de
l’habileté politique; il vient de l’initiative divine : « Moi, je vous
ramène dans la terre d’Israël » (cf. Ez 37,12). Lazare aussi est le
symbole d’une situation humaine sans issue. Lorsque Jésus veut le voir,
Marthe ne lui cache pas le fait qu’il est dans le tombeau depuis quatre
jours et qu’il sent déjà. Comme pour dire : désormais, il n’y a plus
rien à faire, le corps est en putréfaction. Mais Jésus proclame qu’il
est «la résurrection et la vie» et il demande la foi qui peut contempler
dès maintenant la victoire de la vie sur la mort. Enfin, dans le court
passage de sa lettre aux Romains, Paul affirme que l’Esprit du Ressuscité
a changé radicalement la vie des croyants. Certes, la mort viendra pour
tous, mais dans le Christ, personne en est prisonnière. Mieux, dans
le Christ, la mort marque l’entrée dans la vie véritable et définitive.
Le chapitre 11,1-45 de Jean comprend quatre unités qui ne fragmentent
pas l’ensemble mais qui opèrent en un crescendo vers le sommet du récit
: la défaite de la mort. La première unité comprend les versets 1-17.
Ici, Jésus nous défie de reconnaître la gloire de Dieu dans la corruption
du sépulcre. Viennent ensuite les versets 18-27 où nous voyons comment
la vie nouvelle peut surgit du sillon de la foi. Les versets 28-38 nous
situent devant un des plus grands mystères : les larmes de Dieu sur
le visage du Christ. Jésus pleure la mort de son ami Lazare. Enfin,
les versets 38b-45 font ressortir deux choses : le lien unique et très
singulier de Jésus avec son Père et la réanimation prodigieuse de Lazare.
Même s’ils ne sont pas rapportés dans la liturgie, les derniers versets
de la péricope (46-54) sont très importants parce qu’ils décrivent l’obstination
des ténèbres, c’est-à-dire le refus et la condamnation de Jésus de la
part des classes dirigeantes. Jésus réanime Lazare de la mort mais il
s’en va vers sa mort.
Lorsque Jésus entre dans le village de Béthanie, Marthe va à sa rencontre
et, à mots couverts, elle lui fait un reproche : « Seigneur, si tu avais
été là, mon frère ne serait pas mort ! Mais, même à présent, je sais
que tout ce que tu demanderas à Dieu, il te l’accordera » (cf. Jn 11,21-22).
Comme pour dire : « Tu pouvais éviter tout cela, pourquoi as-tu attendu?
Pourquoi n’es-tu pas intervenu? » (Ce sont souvent nos demandes devant
l’impuissance de la mort). Puis, nous avons un premier « je sais ».
Qu’est-ce que Marthe sait? Que Jésus a un pouvoir sur Dieu, le seul
qui puisse ressusciter des morts. Jésus réplique à Marthe que son frère
ressuscitera. Sur cela, Marthe exprime son deuxième « je sais », en
tant que c’était aussi sa foi héritée du milieu des pharisiens. Alors,
Jésus intervient avec une affirmation inédite et scandaleuse qui opère
un saut vertigineux par rapport à la foi commune d’Israël. « Je suis
la résurrection et la vie; celui qui croit en moi, même s’il est mort,
vivra; celui qui vit et croit en moi ne mourra jamais » (Jn 11,25-26).
Essayons de bien comprendre ces paroles. D’abord, Jésus s’approprie
l’attribut exclusif de Dieu : « Je suis ». Qu’est-ce à dire? Qu’en tant
que Fils de Dieu, Jésus a le pouvoir de faire mourir et de ressusciter.
Puis, il ajoute qu’il est la résurrection et la vie. Attention ! Le
terme le plus important, ce n’est pas le premier mais le deuxième. Justement
parce que Jésus est la vie (cf. 14,6), il est aussi la résurrection
de tout homme. Résurrection est un terme relatif, il suppose, précisément,
le don de la vie. Un autre aspect : Jésus est la résurrection et la
vie, non pas tant comme événement futur (c’était la croyance de Marthe)
mais dans le présent, déjà maintenant. Mais comment entrer dans cet
événement de grâce? Moyennant la foi. C’est pourquoi Jésus dit à Marthe
: « Crois-tu cela? » (Jn 11,26). La réponse de Marthe est prompte et
sincère; elle manifeste le passage advenu en elle. En effet, Marthe
est passée du « je sais » au « je crois ». Qu’est-ce que Marthe croit?
Que Jésus est le Christ, le Fils de Dieu, l’Attendu et le Venant, la
Vie et la Résurrection. Jésus se rend au tombeau et il fait immédiatement enlever la pierre qui bloque son entrée. C’est un geste symbolique profond : Jésus déplace la frontière entre les vivants et les morts. Puis, il remercie le Père. Dans l’évangile de Jean, c’est le deuxième tournant. Le premier, c’est lorsque Jésus a multiplié les pains (cf. Jn 6,11). Ceci étant dit, l’évangéliste écrit que Jésus « cria d’une voix forte : “Lazare, sors !” » (Jn 11,43). Jésus apparaît au centre de la scène et il appelle vers Lui. En effet, Lazare doit quitter le tombeau, sortir. Jésus appelle de la mort à la vie. Jean note que « le mort sortit, les pieds et les mains attachés par des bandelettes, et le visage enveloppé d’un linge. Jésus dit aux gens : “Déliez-le et laissez-le aller” ! » (Jn 11,44). C’est une finale paradoxale parce celui qui sort du tombeau, c’est un mort qui montre tous les signes de la mort. Et pourtant, il sort seul parce qu’il est vivant. Ensuite, le fait que les personnes présentes lui enlèvent les bandelettes funéraires atteste qu’il y a eu un dépassement de la peur de la mort. Et cela, grâce à Jésus, à la puissance de sa parole. Alors, plusieurs crurent en lui.
Cette page de Jean est une haute page de foi; une page qui veut provoquer la foi afin qu’elle reconnaisse les signes de la vie même là où elle apparaît contredite et niée. Ce n’est pas une entreprise facile. Mais, elle n’est pas impossible. Le poète G. Ungaretti nous le suggère à sa manière dans un texte d’une rare intensité : « Chaque année, tandis que je découvre que février est sensitif et, par pudeur, torpide, le mimosa jaune fleurit. Il s’encadre à la fenêtre de ma demeure d’autrefois, de celle où je passe mes vieilles années. Tandis que je m’approche du grand silence, sera-t-il le signe que rien ne meurt, que l’apparence s’en revient toujours? Oh, saurai-je finalement que la mort n’a de règne que sur l’apparence? ». La parole du Poète n’est pas instinctive; elle jaillit d’une longue habitude d’écoute, d’observation attentive en même temps que de l’occasion, antique et nouvelle, de la floraison du mimosa. Le Poète vit l’automne de la vie qui, d’une part, remplit son regard de la luminosité et de la beauté des fleurs, et de l’autre, rallume en son cœur de doux et douloureux souvenirs. Il sait que la mort l’attend et de cette profondeur obscure surgissent les questions sur le sens de l’existence et de l’homme. Toutefois, il découvre la vie dans et au-delà de la mort, la vraie réalité dans et au-delà de l’apparence du présent. Et cela, grâce à la simple et humble floraison du mimosa. Si la foi chrétienne reconnaît la vie nouvelle même dans la nature, c’est parce que le Ressuscité a inauguré la création nouvelle; l’événement de sa Pâques remplit et transfigure le cosmos entier et tout chante et crie de joie. Alexandre C. osb La Résurrection de Lazare.....
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