Dans
les trois cycles festifs pour la fête de la Sainte Famille de Jésus, Marie
et Joseph, nous lisons respectivement, en Mathieu, la fuite en Égypte
dans le cycle A; la présentation au temple en Luc dans le cycle B et cette
année Jésus parmi les maîtres de la Loi du même évangéliste.
« Chaque année, les parents de Jésus allaient à Jérusalem … lorsqu’il
eut douze ans, Jésus alla avec eux ». Il est le fils du commandement;
désormais, il peut lire officiellement les Écritures et les commenter.
Son interprétation est certainement nouvelle même aux oreilles des scribes
et des maîtres. Il nous semble lire aussi qu’il suscitait un certain attrait
puisque les maîtres restèrent là trois jours à parler et à se laisser
interroger. À la lumière de la première lecture tirée du premier livre
de Samuel où nous lisons que Samuel restait dans le Temple du Seigneur,
le noyau de la liturgie d’aujourd’hui paraît être justement le rapport
de Jésus avec le Temple, Maison de son Père.
Le psaume nous oriente particulièrement en cela : « Que tes demeures sont
désirables, Seigneur! Mon âme s’épuise à désirer les parvis du Seigneur.
Mon cœur et ma chair sont un cri vers le Dieu vivant. Heureux les habitants
de ta maison, ils pourront te chanter encore! Heureux les hommes dont
tu es la force, des chemins s’ouvrent dans leur cœur… ». La prédication
de Jésus aura lieu dans le Temple qu’il réclamera comme maison de prière;
il en fera le signe de son Corps et le voile du Saint des Saints se déchirera
à sa mort.
Jésus adolescent connaît la volonté de son Père ainsi que sa mission;
il est le fils obéissant, mais pour le moment, le Père veut qu’il rentre
à Nazareth, qu’il reste soumis à Marie et à Joseph dans la vie familiale
et au travail. Quand viendra l’heure, bientôt, ce que ses adversaires
lui concèderont paraîtra au grand jour dans l’annonce du Royaume rendu
proche justement en sa personne.
Aujourd’hui, nous adorons l’obéissance de Jésus et son long silence d’environ
trente ans dit Luc; comme selon la tradition Isaac avait environ trente
ans quand Abraham devait l’immoler en sacrifice.
Le mystère de Nazareth est l’abîme de l’abaissement de Dieu devenu solidaire
de tout être humain : «… et il leur était soumis! » (Luc 2, 52).
C. C.
«
Il est venu chez lui et les siens ne l'ont pas reçu » : c'est une phrase
de Jean dans le prologue de son évangile ; il semble bien que le récit
que nous lisons ici chez Luc en soit une illustration. Car ce récit nous
présente à la fois une manifestation du mystère de Jésus et l'incompréhension
de ses plus proches. Que cette famille se soit rendue à Jérusalem pour
la Pâque, rien d'étonnant. Que cela ait duré huit jours, rien d'étonnant
non plus : les deux fêtes réunies de la Pâque et des Azymes qui n'en faisaient
déjà plus qu'une duraient effectivement huit jours.
Mais c'est la suite qui est étonnante : le jeune garçon reste au Temple
sans se soucier, apparemment, de prévenir ses parents ; eux quittent Jérusalem
avec tout le groupe, comme chaque année, sans vérifier qu'il est bien
du voyage. Cette séparation durera trois jours, chiffre que Luc précise,
bien sûr, intentionnellement. Quand ils se retrouvent tous les trois,
ils ne sont pas encore sur la même longueur d'ondes : le reproche affectueux
de Marie, encore tout émue de l'angoisse de ces trois jours se heurte
à l'étonnement tout aussi sincère de son fils : « Comment se fait-il que
vous m'ayez cherché ? Ne le saviez-vous pas ? C'est chez mon Père que
je dois être. »
La manifestation du mystère de Jésus réside, bien sûr, dans l'émerveillement
de tous et particulièrement des docteurs de la Loi devant la lumière qui
l'habite de toute évidence. Elle réside aussi dans la mention des trois
jours qui, tout au long de la Bible, sont le délai habituel pour rencontrer
Dieu. Trois jours ce sera le délai entre la mise au tombeau et la Résurrection,
c'est-à-dire la victoire plénière de la vie. La manifestation du mystère
de Jésus réside enfin dans cette phrase étonnante dans la bouche de ce
garçon de douze ans, accompagné de ses deux parents bien humains : « C'est
chez mon Père que je dois être. » : là il s'affirme clairement comme le
Fils de Dieu ; à l'Annonciation, l'Ange Gabriel l'avait déjà présenté
comme le « Fils du Très-Haut », mais ceci pouvait être entendu seulement
comme le titre du Messie ; cette fois, la révélation franchit une étape
: le titre de fils appliqué à Jésus n'est pas seulement un titre royal,
il dit le mystère de la filiation divine de Jésus. Pas étonnant que ce
ne soit pas tout de suite compréhensible ! Et ce n'est pas fini : Jésus,
aujourd'hui, dit « Je suis chez mon Père »... Plus tard il dira « Qui
m'a vu a vu le Père ».
Ce n'est pas compréhensible, effectivement, même pour ses parents : et
Jésus ose leur dire « Ne le saviez-vous pas ? » Même des croyants aussi
profonds et fervents que Joseph et Marie sont surpris, désarçonnés par
les mystères de Dieu. Cela devrait nous rassurer. Ne nous étonnons pas
de comprendre si peu de choses nous-mêmes ! Aurions-nous oublié la phrase
d'Isaïe ? « Vos pensées ne sont pas mes pensées et mes chemins ne sont
pas vos chemins - oracle du Seigneur. C'est que les cieux sont hauts par
rapport à la terre : ainsi mes chemins sont hauts, par rapport à vos chemins,
et mes pensées, par rapport à vos pensées. » (Is 55, 8 - 9).
L'évangile nous suggère que Marie, elle-même, ne comprend pas tout tout
de suite : elle retient tout et s'interroge, et elle cherche à comprendre.
« Sa mère gardait dans son coeur tous ces événements. » Après la visite
des bergers à la grotte de Bethléem, nous lisions déjà : « Quant à Marie,
elle retenait tous ces événements et les méditait dans son coeur. » (Lc
2, 19). Luc nous donne là un exemple à suivre : accepter de ne pas tout
comprendre tout de suite, mais laisser se creuser en nous la méditation.
Pas plus que la nôtre, la foi de Marie n'est un chemin semé de roses !
Jésus lui-même, comme tous les enfants du monde, a besoin de grandir !
Le mystère de l'Incarnation va jusque-là : « Il grandissait en sagesse,
en taille et en grâce sous le regard de Dieu et des hommes. » Cela veut
dire d'une part que Jésus est complètement homme, et d'autre part que
Dieu a la patience de nos maturations : pour lui, mille ans sont comme
un jour. (Ps 89/90)
Et tout ceci se passe dans le Temple de Jérusalem ; Luc attache beaucoup
d'importance au Temple, qui était pour les Juifs le signe de la présence
de Dieu au milieu de son peuple*... Mais, pour les chrétiens, on le sait,
c'est désormais le corps du Christ lui-même qui est le vrai Temple de
Dieu, le lieu par excellence de sa présence. Notre récit d'aujourd'hui
est l'une des étapes de cette révélation ; Luc pense certainement ici
à la prophétie de Malachie : « Subitement, il entrera dans son Temple,
le maître que vous cherchez, l'Ange de l'Alliance que vous désirez ; le
voici qui vient dit le Seigneur, le Tout-Puissant. » (Mal 3, 1).
Enfin, on peut être surpris d'une contradiction apparente : Jésus répond
à ses parents « C'est chez mon Père que je dois être » pour aussitôt après
retourner avec eux à Nazareth.Ce qui veut dire qu'il n'est pas resté dans
le Temple de pierre ! Pas plus que Samuel, d'ailleurs (voir la première
lecture) : pourtant consacré au Seigneur et amené au temple de Silo pour
y demeurer toute sa vie, celui-ci a finalement servi le Seigneur, hors
du temple, en prenant la direction de son peuple. C'est peut-être là aussi
une leçon pour nous : « C'est chez mon Père que je dois être » veut dire
une vie donnée au service des hommes, pas forcément dans l'enceinte du
temple : pour le dire autrement, être chez le Père veut dire d'abord être
au service de ses enfants.
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Complément : L'évangile de Luc commence au Temple de Jérusalem avec l'annonce
à Zacharie de la naissance de Jean-Baptiste (Jean signifie « Dieu a fait
grâce ») ; c'est là que, le jour de la Présentation de Jésus, Syméon proclame
que le salut de Dieu est arrivé ; c'est là enfin que se termine l'évangile
de Luc : après leurs adieux au Christ ressuscité, les disciples, nous
dit-il, retournent au temple de Jérusalem.
L'Ancien et le Nouveau Testament, avant et depuis Jésus-Christ.
Celles
et ceux qui ont suivi et qui suivent Jésus Christ.
Bienveillance
de Dieu pour les hommes.
Union
de la nature humaine divine et de la nature humaine en la seule personne
de Jésus-Christ.
Rédempteur,
Sauveur annoncé dans l'Ancien Testament.
Vérité
de foi inaccessible à la seule raison humaine.
Centre
de la foi et de l'espérance chrétienne.
Noëlle
Thabut
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