Un roi extraordinaire
23 novembre – Solennité du Christ, Roi
Lectures
bibliques
Ez
34,11-12.15-17
Psaume 22
Le Seigneur est mon berger :
rien ne saurait me manquer.
1 Co 15,20-26.28
Mt 25, 31-46
L’itinéraire
de l’année liturgique se termine avec la solennité du Christ, Roi de
l’univers. Reconnaître sa seigneurie signifie affirmer qu’il est :
• le pasteur qui prend soin des brebis faibles et dispersées (cf. lecture
1);
• le juge juste qui séparera les bons des méchants (cf. lecture 1 et
Évangile);
• le roi qui s’identifie aux pauvres (cf. Évangile).
L’homme
: image de Dieu
L’orant du Psautier se demande qui est l’homme? (cf. Ps 8). Au chapitre
1,26, le livre de la Genèse répond que l’homme est image et ressemblance
de Dieu. C’est pour cela que saint Augustin dira : « Nous portons ton
visage (Seigneur) ». Mais que voulons-nous dire par image et ressemblance?
«Image» indique la statue, tandis que «ressemblance» est un abstrait
qui, au contraire, indique une ressemblance fluide. L’homme est donc
à la fois très semblable à Dieu mais également non identifiable à Lui.
Mais, ce n’est pas tout. Pour la théologie chrétienne, Dieu a créé l’homme
dans le Christ. Le théologien Gustave Martelet relisait comme suit les
premières pages de la Genèse : « Dieu a créé Adam (l’homme) et il l’a
placé dans le paradis, c’est-à-dire dans le Christ ». Alors, l’identité
de l’homme créé à l’image et ressemblance ne contient pas seulement
le premier Adam mais surtout Jésus Christ, deuxième et définitif Adam
(cf. 1 Co 15,45). Dans cet horizon, plus qu’un lieu géographique, le
jardin est un espace relationnel. Dans le Christ, chaque homme a accès
à la communion avec Dieu. C’est pourquoi l’homme est vu aussi comme
sacrement du Christ. À propos, le pape Paul VI eût à dire des paroles
définitives à la clôture de Vatican II. « Si nous nous rappelons que
dans le visage de chaque homme, spécialement s’il est devenu transparent
par les larmes et les souffrances, nous pouvons et devons reconnaître
le visage du Christ (cf. Mt 25,40), le Fils de l’homme; dans le visage
du Christ, nous pouvons et devons reconnaître le visage du Père céleste
: “Qui me voit – dit Jésus – voit aussi le Père” (Jn 14,9), alors notre
humanisme devient christianisme, et notre christianisme devient théocentrique
au point que nous pouvons même affirmer que pour connaître Dieu, il
faut connaître l’homme ».
L’identification
du Christ
Avec ce préambule, nous pouvons maintenant lire la grande fresque de
Matthieu où il est dit que le Fils de l’homme, dans sa venue glorieuse,
siègera pour juger les actions de chaque homme. Attention, cependant!
Le jugement ne concerne pas un avenir lointain; nous pouvons dire que
le juge divin met en lumière les dynamiques d’accueil ou de refus du
présent. En commentant ce texte, Jean-Paul II écrivait dans Redemptor
hominis que « cette scène eschatologique doit toujours être appliquée
à l’histoire de l’homme; doit toujours être la mesure des actions humaines
: c’est comme le schéma essentiel d’un examen de conscience pour chacun
et pour tous » (n. 16). Bruno Chenu a parlé de Matthieu (25) comme d’une
sorte de prophétie étique : « La sentence future porte sur les actions
passées qui concernent le présent des auditeurs ». Si la scène met en
acte un processus, nous essaierons maintenant de répondre à trois questions.
Qui est le juge? Qui est le jugé? Et, sur quoi le jugement porte-t-il?
Les
surprises à la fin des temps
Nous voyons apparaître le Fils de l’homme dans la gloire; il est désigné
comme le roi qui a supporté toutes les fatigues humaines (faim, soif,
nudité et prison). Avec ces deux attributs –l’un, glorieux et l’autre,
humain, le visage de Jésus est tracé comme vrai Dieu et vrai homme.
Ceux qui sont appelés en jugement, ce ne sont pas seulement les chrétiens
mais chaque homme qui est venu en ce monde. À la fin, le jugement porte
sur les attitudes très concrètes qui ne sont pas des actes d’héroïsme
mais des actions qui entrent dans les rapports qui investissent le quotidien.
Ces rapports doivent être marqués par la charité. La surprise est dans
le fait que le juge s’est identifié à l’homme et surtout à l’homme éprouvé
par la souffrance et l’indigence. Si Luther parlait du Dieu caché sur
la croix, maintenant, on doit parler du Christ caché dans la croix du
frère. La croix se présente donc comme lieu où Dieu se manifeste encore
et sauve. Pour vivre cette rencontre bouleversante – qu’on me comprenne
bien – la foi n’est pas nécessaire. Dans le texte, ceux qui ont accueilli
le Christ sont surpris par ses paroles : par exemple, en secourant le
pauvre, ils ne pensaient certainement pas secourir le Christ. Karl Rahner
a écrit : « Un amour absolu, qui s’engage radicalement et sans réserve
envers une personne, adhère implicitement au Christ dans la foi et dans
l’amour ». Ce sont les soi-disant chrétiens anonymes. Ils – et nous
devons y réfléchir sérieusement – peuvent se trouver (physiquement)
en-dehors de l’Église mais… nous précéder dans l’Église du ciel.