Le rachat du Fils

2 février 2014 - Présentation de Jésus au Temple

 

Lectures bibliques
Ml 3,1-4
Psaume 23,7-10

Gloire au Messie de Dieu, à l’envoyé du Seigneur !

He 2, 14-18
Lc 2,22-40

     

    Viens, Seigneur, dans ton temple saint !

    Aujourd’hui, nous célébrons la fête de la Présentation de Jésus. Marie et Joseph montent au Temple pour offrir le sacrifice de rachat selon les prescriptions de la Loi. Ce geste est une image de l’Église qui, dans la célébration eucharistique, offre à Dieu ce qui est déposé dans ses mains : le Corps du Christ. La célébration de ce jour est aussi populairement appelée Chandeleur; c’est une fête du Seigneur, lumière des nations et gloire d’Israël.

    La purification et l’offrande

    Luc commence sa narration par une indication inhabituelle : « Lorsque les jours de leur purification furent accomplis » (Lc 2,22). Par rapport à la purification, l’emploi du pronom personnel “leur” surprend quand nous savons que la Torah prévoyait le rite seulement pour l’accouchée, quarante jours après la naissance d’un mâle et quatre-vingt jours après la naissance d’une fille. Alors, pourquoi Luc parle-t-il de leur purification et pas de la purification de Marie? Enzo Bianchi note que l’interprétation de Luc est basée sur le lien étroit entre les rites de purification et les rites d’expiation que nous trouvons au Lévitique (12,1-8). « Le sacrifice d’expiation et l’holocauste constituent le contenu de la purification. Les sacrifices de purification et d’expiation sont aussi ceux que le Serviteur de Yahvé offre au Seigneur (cf. Is 53,10). Le pluriel employé par Luc déplace alors l’accent et signifie que la purification est essentiellement l’offrande de la vie et qu’elle se rapporte autant à Jésus qu’à Marie, sa mère, de sorte que Luc peut parler de “leur” purification ». Mais il y a une autre chose importante à souligner. Luc affirme que Marie et Joseph montent au temple pour « présenter » Jésus au Seigneur. Le verbe présenter signifie «rester devant». Dans l’Ancien Testament, il est employé aussi bien pour les prêtres qui restent devant Dieu, que pour l’offrande qui est présentée. Il n’est donc pas excessif de dire que Jésus est à la fois prêtre et offrande.

    Le rachat

    En Israël, tout premier-né d’un homme ou d’un animal était consacré au Seigneur. Par conséquent, il devait être racheté à travers un rite particulier pour pouvoir vivre une existence normale (cf. Ex 13,1-12). Jésus, qui n’a pas besoin de rachat, mais qui est né sous la Loi (cf. Ga 4,4) se soumet aux prescriptions religieuses et cultuelles de sa foi. Cette obéissance a été salvifique pour nous. Dans le Benedictus, Zacharie avait chanté la rédemption que le Messie accomplirait en Israël (cf. Lc 1,68). Le terme “rédemption” désigne aussi bien la libération historique (au temps de Jésus sous la domination romaine) que la libération du péché. Non seulement. La rédemption implique aussi le prix du rachat. Qu’est-ce que cela signifie? Que Dieu sauve mais non pas sans un prix personnel, comme Pierre le rappelle aussi aux chrétiens (cf. 1 P 1,18-19). Dans un de ses traités, Grégoire de Nysse reprend le concept pétrinien et le complète. « Quand nous savons que le Christ est devenu rédemption pour nous parce qu’il nous a achetés à grand prix en donnant sa vie pour nous racheter, alors, nous comprenons qu’en s’offrant pour chacun de nous et en nous donnant la vie immortelle, il nous a arrachés à la mort par sa vie, de sorte que nous ne nous appartenons plus à nous-mêmes mais à lui ». Ce jour-là, Marie et Joseph n’étaient certainement pas conscients des conséquences rattachées au rite du rachat; cependant, par leur adhésion à la Torah, ils avaient rendu possible la révélation de l’amour de Dieu qui atteindrait son sommet sur la croix de Jésus.

    L’Enfant, signe de contradiction

    En lisant le chapitre selon Luc, nous pouvons remarquer que Jésus est d’abord désigné comme « le premier-né » (cf. Lc 2,12.16), ensuite, comme « petit enfant » (Lc 2,27), et finalement comme enfant (cf. Lc 2,43).Dans la Bible grecque, cet appellatif désigne le Serviteur de Yahvé (cf. Is 42,1). L’Enfant est donc à la fois le Fils de Dieu et le Serviteur de Yahvé. C’est à partir de cette conscience que Jésus restera à Jérusalem, où il comprendra son destin ainsi que les modalités avec lesquelles il donnera sa vie en rachat (cf. Lc 2,49). Mais, ce n’est pas tout. Cet Enfant que Siméon tient dans ses bras est aussi un « signe de contradiction » (cf. Lc 2,34). Jésus sera une sorte d’épée (cf. Lc 12,51); il suscitera l’amour mais aussi la haine, condition de disciple et trahison, consentement et opposition. Devant lui, chaque personne est appelée à opérer un choix. La neutralité est impossible.

    Anne, la fille de Phanuel

    Maintenant, nous porterons l’attention sur un personnage du récit, Anne, la fille de Phanuel. Nous le faisons parce que sa figure, comme celle de Siméon, est une icône splendide de la vie consacrée que nous célébrons aujourd’hui. Luc esquisse sa physionomie en quelques traits incisifs (cf. Lc 2,36-38). Anne était une prophétesse, une femme charismatique qui savait reconnaître la présence de Dieu dans l’histoire (c’est la prophétie). Socialement parlant, elle rentre parmi les personnes que le monde tend à oublier parce que considérées comme insignifiantes. En effet, Anne est très âgée et veuve depuis longtemps. Et pourtant, l’Esprit Saint demeure sur elle. Luc nous dit qu’elle ne s’éloignait jamais du temple, du lieu de la présence de Dieu. Anne était donc une femme de prière. Dans le temple, elle servait Dieu jour et nuit même en jeûnant. Le jeûne a plusieurs significations. C’est une forme de culte rendu à Dieu et c’est un signe qui reflète l’attente du Messie. C’est justement en raison de cette pratique continue d’ascèse qu’Anne reconnaîtra le Seigneur, dans l’Enfant.

    De l’écoute à la vie

    Pour une application de l’Évangile d’aujourd’hui à notre vie, nous mettons brièvement en évidence un symbole, l’épée. Siméon affirme que Marie sera transpercée par une épée. Généralement, l’image de l’épée est appliquée à la Parole de Dieu (cf. Is 49,2; He 4,12). Devant Dieu qui parle, l’être humain ne peut pas rester neutre. Il doit se déclarer. Jésus induira toujours ses interlocuteurs à une décision à son égard. Par conséquent, l’épée blesse, mais c’est une blessure qui libère de tout égoïsme ou repliement. Dans sa lettre aux Éphésiens (6,11), Paul parle de l’épée de l’Esprit, toujours pour indiquer la parole divine qui, dans ce cas-ci, constitue cependant l’armure pour combattre le mal et le péché. Se laisser transpercer par l’épée signifie se laisser impliquer pleinement dans le destin de mort et de résurrection du Christ.

    Alexandre C. osb

     

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